Sang maudit / Dashiell Hammett ; traduit de l’américain par Henri Robillot. – Gallimard, 1984. – (Carré noir ; 318). – ISBN 2-07-043318-8
En juin 2007 je lisais Sang maudit de Dashiell Hammett dans la collection de poche Carré noir, édition de 1984, quand m’apparut à la page 172 le mot... « assasssin ». A, s, s, a, s, s, s, i, n, « assassin » avec deux puis trois s ! Dans tout polar exercent un ou plusieurs assassins, et voilà qu’une coquille, se glissant dans le livre, concernait justement ce mot-là : j’en fus ébloui. L’idée me vint alors de consigner les coquilles que je dépisterais dans mes futures lectures : il y avait là matière à déployer un travail artistique, je ne savais pas encore lequel. Des œuvres issues des coquilles décelées dans les pages des livres que je lirais...
Des années plus tard, m’attelant enfin au projet, je décidais de travailler notamment sur le livre par lequel tout avait commencé, et même de le relire. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir
d'autres coquilles qui m'avaient échappé ! Notamment, pages 58 et 59...
P. 58-59
Un personnage est cité trois et seulement trois fois : p. 58, « Howard », une fois ; p. 59, « Howart », deux fois… « Howard » ou « Howart » ? d ou t ?
sourcilleraient Dupond et Dupont. Il y a là assurément une coquille, mais laquelle ? le t a-t-il remplacé le d, ou d le t ? Un « Howard » pour deux « Howart » : je
supposais que la coquille résidait dans « Howard », encore fallait-il mener l'enquête pour m’en assurer. Romans / Dashiell Hammett, dans la collection Quarto chez Gallimard, me
confirma pages 323, 324 et 325 la graphie du nom avec un t.
Sauf que… comble de l’extraordinaire, une incroyable anomalie me sauta tout à coup aux yeux : page 58 dans la collection Carré noir est mentionnée une date : « 15 juin 1913 », tandis que dans la collection Quarto, page 323, il s’agit du « 6 juin 1913 » ! Sacrée curiosité, que je ne pouvais taire. Une troisième édition s’avérait nécessaire pour départager les dates. Autant que ce soit avec une édition anglaise : je trouvais dans The Dain curse, publiée chez Orion en 2002, à la page 53 : « June 6 1913 ». La confusion venait donc du poche Carré noir. Ultime vérification, l’édition Orion me confirma pages 54 et 55 la graphie de « Howart » avec un t.
Enfin, le mot « assasssin », source de toute cette affaire, étant contenu au sein du roman dans la lettre manuscrite d’un des personnages, je vérifiai la graphie du mot dans l’édition anglaise – Hammett n’aurait-il pas pu, pour transcrire l’effroi de son personnage écrivant la missive, lui faire écrire le mot comme bégayant, en l’altérant d’une double consonne, et le traducteur de respecter ensuite ce choix pour le mot en français ? Hypothèse peu probable pensais-je au vu du style d’Hammett, mais un enquêteur consciencieux se doit d’envisager toutes les pistes. Page 174, « murderer » est correctement écrit : voilà qui clôturait l’enquête.
P. 222
Tout de même, je souhaite aborder encore un point : que faire d'un i sans point, justement ? Page 222, ma lecture avait achoppé sur le mot « sortıe ». Fallait-il considérer cela comme une coquille « en bonne et due forme », ou comme un simple défaut d’impression ? (En turc la question ne se poserait pas, l’alphabet turc comportant le i et le i sans point, deux lettres aux prononciations différentes.)
Un défaut d'impression n'est pas une coquille. Cependant je décidai dans le cas présent de le prendre en compte, tenté par la perspective d’apposer page 222 un dé montrant sa face à un point, en écho au point manquant de « sortıe » et aux dés figurant sur la première de couverture que je comptais utiliser pour édifier l’œuvre.