(Ci-dessous, quelques-uns des textes composant un recueil de jeunesse : Trois douzaines de texticules : saynètes amoureuses. Chacun est construit sur une contrainte formelle commune qu’on pourrait qualifier d’oulipienne. Devinerez-vous laquelle ?
J'emprunte le mot "texticule" à Raymond Queneau (Contes et propos, Gallimard, 1981).
Je ne me souviens plus si j'avais déjà lu Pierre Louÿs, à l'époque.)
Ce pourrait être un lac, au centre d’un cratère aux rives gluantes.
J’entends un bruit de succion comme feraient des langues.
Paysage de lagune,
Une forte odeur d’algue flotte, m’entête.
Je me glisse dans cette auge, ce bassin,
Je m’immerge dans son eau.
Quand les ors mauves
Du soir se sauvent,
Rouis par l’ombre,
La nuit sourit.
Joliment nue,
La lune est dans
Un aulne, blonde –
Rond sans lacune.
Se faisant net,
Un vent s'apprête,
Vante les cimes…
Rêvant, frémit.
Minuit sonne, que rien n’entrave :
Du nocturne vaisseau, l'étrave.
A l’air tremblant la nuit soutire
Des chuchotements : on courtise
Derrière les courtines…
Tout électrisés, les lucanes
Voltigent autour des lucarnes.
Futures enlaçures...
Jusqu’au petit matin, sans trêve ni repos,
La belle et son vert galant se sont passionnés.
Un ver luisant, les éclairant, se tortillait...
Des tanagras en fleurs, les robes voletantes,
Font don à nos regards de chatoyants motifs :
On dirait les plumes d'un tangara des îles !
Le fond de l'air est plein de fraîcheur enfiévrée.
— Chacun, près de sa chacune, se porta garant du printemps !
— Le renouveau, qui fonde les amours nouvelles...
— Hélas ! Quoiqu'on se garât d'un zèle trop insistant...
— Et tout badin qu’on fut, on ne sut pas faire fondre leurs coeurs !
— On se fit éconduire ! On rata des émois...
— Tant d’allégresse ainsi frondée par les demoiselles !
— Que ne possédons-nous, comme elles, l’art de plaire...
— Chut ! Entendez -vous ? Quelqu’un fredonne... Hé ! celle-là sera mienne !
La fée, déconcertée, remue haut sa baguette
Devant le feu de l’exaltation qui la guette.
L'elfe au regard brûlant la nargue et pirouette.
— Déesse, je suis féru de vos charmes !
— Je ne suis pas si frêle que...
— Vous croyez ? Jolie fleur, je vous taquine...
Tenez ! prenez ce trèfle à quatre feuilles.
— Si vous voulez me flouer, gare...
Fi ! Votre herbe est toute flétrie !
— (Par Pan ! Si je connaissais la formule
Pour qu’elle frétille enfin dans mes bras !)
— Maroufle, il suffit : j'entends tout !
L’esprit fertile assouvira-t-il son désir ?
La fée foulera-t-elle la terre du Jouir ?
— Je flirte, c’est tout ! Et si nous changions
La furole en foyer de passions folles ?
— A vouloir trop filer l'amour
On frôle parfois l'indécence.
— … Par Pan ! Allez-vous donc vous fier à moi ?
Déshabillez-vous, qu'enfin je vous fore !
— Oh ! Quel fer vous brandissez là !
La coupe est pleine, et chaud le fer. Voilà : ils foutent !
A cet âge on est fou d’amour,
C’est joli mai tous les matins.
J'aimais l'entendre crier « Gare ! »
Quand ma main effleurait son bras,
Son petit air de garce, aussi,
Et cette manie qu'elle avait
De badiner, de m'agacer,
De manier le oui et le non.
Elle était mon seul point d'ancrage...
Cette manière avec laquelle
Ses lèvres aux tons garancés
Joignaient ma bouche carminée !...
Du ciel descendaient des archanges
Pour s'acheminer près de nous,
Dans les branchages de l’amour...
Et puis, avec le temps, le cœur se parchemine.
– Ne le nie pas, féal :
Rien ne t’absorbe autant
Que le creuset des reins…
– Ta résine est la plus difficile
A élaborer... Plus je t'étreins
Plus c’est toi qui m'éreintes, sais-tu !
Cela fait bien des éternités qu’ils s’efforcent :
Pour l’Œuvre, leurs ardeurs ne sont jamais éteintes !
Leurs entités s’allient en un chaud amalgame...
– Pince-moi les tétins !
– Ah ! Je m’épands ! Tiens, recueille... Alors ?
– Ça sent… Même, c’est bon !
C’est entendu : ceux-là sont nés pour le Grand Foutre !